samedi 24 juin 2017

[INSTANTANE] Suède-France, le match des barbus christiques


Vendredi 9 juin 2017, match de qualification en Suède pour la Coupe du Monde 2018



La France et la Suède alignent toutes deux un barbu dans leur 11 de départ : Olivier Giroud et Jimmy Durmaz.

Leur barbe fournie n’est pas leur seul point commun. Deux joueurs offensifs, gauchers, nés dans les années 80, de familles de sportifs, mariés et pères de famille (déjà une fille puis un garçon pour les deux). Et s’ils sont opposés sur le terrain pour ce match de sélection, ils partagent la même foi, gravée dans leur peau. Les joueurs affichent sur leur corps les prénoms de leurs enfants ainsi que des tatouages religieux. Olivier Giroud, le chrétien catholique, porte inscrit au bras droit les mots latins du psaume 22 de la Vulgate : « Dominus regit me et mihi nihil deerit » (« Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien »), alors qu'une croix en style maori orne son épaule gauche. Jimmy Durmaz, le chrétien orthodoxe, a choisi de représenter des personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament, notamment Jésus vainqueur du tombeau avec, en anglais, la promesse du Christ qui conclut l'Evangile selon St Matthieu: "Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde"), et la Vierge Marie. Jimmy Durmaz est un chrétien d’Orient, syriaque. Son père est Assyrien né en Turquie et sa mère, chrétienne de Syrie, a connu la guerre au Liban. Des origines qui l’ont poussé à visiter les camps de réfugiés lorsqu’il jouait en Grèce. Preuve que la barbe n’est pas qu’islamique. En l’occurrence, elle incarne davantage, pour ces deux grands fans du film Gladiator, le côté guerrier viking.

Le but et la joie

Au match précédent, à Rennes contre le Paraguay, l’attaquant français s’est fait remarquer en réalisant un coup du chapeau (trois buts d’affilée). Le dernier triplé en match officiel remontait à Dominique Rocheteau en 1984. Une performance qui a assuré à Giroud, pris pour cible dans le passé, la reconnaissance et la joie d’entendre un stade l’acclamer et chanter sa chanson (sur l’air de Hey Jude). A sa sortie, tous les joueurs français se sont levés par respect. Un moment que le joueur d’Arsenal a dû savourer. Il fera signer le ballon du match (qui revient par tradition au triple buteur) par tous ses coéquipiers.

34e minute.

Olivier Giroud est tout proche d’ouvrir le score d’une tête croisée sur un centre de Mendy, mais, percuté dans les airs en pleine action par un joueur adverse, il reste au sol. Sa tête a heurté celle du rugueux défenseur suédois Granqvist, capitaine et défenseur chargé de coller le Français en permanence, souvent à la limite de la faute. A terre, Giroud reste durablement sonné, se prenant la tête dans les mains. Jeu interrompu. Les soigneurs arrivent à ses côtés. Inquiétudes. Devra-t-il sortir ? Deux minutes plus tard, hagard, il rejoint la ligne de touche, cherche un peu d’eau.
Corner tiré par Payet. Le ballon, récupéré par des Français, flotte dans la surface. Mais Giroud est revenu sur le terrain et les adversaires ne l’ont pas remarqué. Excentré côté gauche, il réceptionne le ballon d’un contrôle du gauche et fouette la balle au deuxième contact. La frappe est parfaite et vient se loger dans la lucarne opposée du gardien suédois, cloué sur place. Le portier ne peut rien faire d’autre que suivre du regard, impuissant, la trajectoire imparable du ballon. Antoine Griezmann, bien placé, n’en revient pas et se prend la tête dans les mains. Les commentateurs de TF1, Grégoire Margotton et Bixente Lizarazu, crient de joie au moment de ce but qu’on ne voyait pas venir. S'extasient: "Quel but d'Olivier Giroud, quelle reprise magnifique!" Giroud, avec son maillot blanc crotté témoin de sa chute à terre quelques instants plus tôt, sur son premier ballon touché depuis ce choc, ouvre le score.

37e minute. 
Olivier Giroud vient d’égaler le nombre de buts de Karim Benzema en Equipe de France, en 18 matchs de moins, et bien moins de temps de jeu (38 titularisations contre 59 pour Benzema). Depuis l’éviction de Benzema, Giroud a été titulaire 17 fois et a marqué 17 buts. Mais Giroud n’exprime pas de sentiment de revanche vis-à-vis de son concurrent en attaque qui le jalouse et le dédaigne et à cause de qui Giroud a essuyé des sifflets (dans la tribune française, un panneau « Free Karim » a été déployé). Sa célébration ne réplique pas sur ce terrain, elle laisse transparaître une joie pure. L’attaquant montre sa surprise face au petit bijou qu’il vient de réaliser, et se précipite vers le banc de touche. Là, Didier Deschamps sourit, d’un sourire naturel de béatitude qu’on ne lui a quasiment jamais vu. Le banc exulte, Olivier Giroud prend son entraîneur dans les bras, celui qui lui a maintenu sa confiance au front de l’attaque, subissant les critiques violentes pour ce choix. Un moment de grâce et de bonheur. Olivier Giroud dessine alors un J avec ses bras, puis lève les index vers le Ciel pour remercier Dieu.




Durmaz répond

43e minute.
Rapidement, une erreur défensive va coûter aux Bleus leur avance. Jimmy Durmaz, laissé au marquage côté droit, transforme un centre en missile parfaitement ajusté qui file dans la cage française. Egalisation de la Suède, le stade exulte. Après une célébration devant ses supporters, Durmaz, conformément à sa tradition religieuse, trace sur son corps trois signes de croix, et dirige son regard et ses paumes vers le Ciel en action de grâce.




La France domine la suite de la rencontre, veut chercher le but de la victoire. Les Bleus pressent. A quelques secondes de la fin du match, Lloris veut envoyer une dernière fois le ballon vers l’attaque. Or, pressé par un Suédois, trop avancé, il manque sa relance au pied et la balle atterrit dans le rond central. Toivonen est là, et réussit du milieu de terrain à l’envoyer dans le but vide. Pour sa 89e sélection, un record pour un gardien français, Lloris vient de commettre sa plus grosse boulette en Bleu.
Après le coup de sifflet final, les Français sont abasourdis, face à des Suédois exaltés devant ce scénario inattendu. Olivier Giroud va alors voir le malheureux Lloris, accablé, responsable du but de la défaite, et dépose un baiser sur sa joue, pour le réconforter et lui montrer son affection. Giroud, qui a si souvent subi le rejet et la haine en Bleu, comprend ce qu’est être une cible. Alors, il a voulu marquer son soutien à son capitaine sur qui pleuvront les reproches, afin qu’il se relève vite lui aussi, et plus fort.


Notes :

De façon avisée, le journal La Croix avait consacré avant le match un portrait de ceux qui seront les deux buteurs :
« Ils sont tous les deux barbus et ils portent sur les bras des tatouages religieux. S’ils sont unis dans la foi, ils seront adversaires ce soir. Côté français, le catholique Olivier Giroud porte sur le bras l’inscription en latin « Domi­nus Regit me tt Nihil Mihi Deerit » (« Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien »). Côté Suédois, Jimmy Durmaz a préféré se faire dessiner des scènes de l’ancien et du nouveau testament, en référence à son appartenance à une église orientale. » 

Le geste de soutien, le premier donné à Hugo Lloris, a également été relevé le journal l’Equipe dans son analyse d’après-match de Giroud (le journal rappelle que Lloris est l’un des coéquipiers dont il est le plus proche) :
« Alors, quelques secondes après le coup de sifflet final, le buteur français s'est précipité vers Lloris, victime-coupable si désolée, et l'a embrassé pour lui manifester son soutien. Lui a vécu suffisamment de périodes délicates en bleu pour comprendre que son capitaine aurait bien besoin d'aide dans la tempête »
Damien Degorre

1 commentaire:

  1. Olivier Giroud et Jimmy Durmaz,Il est un très bon athlète.
    J'aimerais pouvoir porter une maillots de football pour vous remonter le moral.

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